Le jeune sportif venu tout droit de Denges, passionné d’aviron depuis quelques années déjà, nous parle de son parcours et de son passage aux JO 2024 à Paris.
Raphaël bonjour, parlez-nous de votre parcours, vos débuts… Comment tout a commencé ?
Bonjour ! Mon parcours en aviron a commencé presque par hasard. Ma tante pratiquait ce sport en loisir en Suisse allemande, et elle me disait souvent que cela pourrait beaucoup me plaire. Un été, j’ai reçu un flyer dans ma boîte aux lettres m’invitant à participer à une semaine d’initiation à l’aviron durant la dernière semaine des vacances d’été.
Je m’y suis immédiatement inscrit avec mon meilleur ami, et dès les premières séances, j’ai adoré. À l’époque, je pratiquais déjà le hockey sur glace depuis mon plus jeune âge, mais l’aviron a été un véritable coup de cœur. Malgré la charge d’entraînement du hockey, j’ai décidé de donner sa chance à l’aviron, et je ne l’ai jamais regretté.
J’ai commencé à ramer au Club d’aviron de Morges, à quelques kilomètres de chez moi à Denges. Ce qui devait être une simple activité de loisir est rapidement devenu une véritable passion, et les résultats sont venus très vite. Dès ma deuxième saison, à 14 ans, je remporte déjà deux titres de champion suisse.

Photo : Detlev Syeb
J’ai progressé rapidement et intégré l’équipe suisse en 2018, avant de passer dans la catégorie élite en 2021. Depuis, l’aviron est devenu mon quotidien et mon métier à plein temps.
Alors ces JO de Paris ? C’était comment et surtout comment avez-vous décroché ce Graal ?
Participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024 a été une expérience incroyable, le point culminant de nombreuses années d’entraînement intensif et de sacrifices. Mais décrocher cette qualification a été un long parcours, loin d’être garanti dès le début.
Nous avons qualifié notre bateau aux Championnats du monde 2023, où nous avons terminé à la deuxième place mondiale, ce qui nous a permis d’entrer dans le top 7 mondial qui obtient un quota olympique. Cependant, cela ne garantissait pas encore notre participation personnelle aux JO.
Ce n’est qu’après avoir passé tous les tests de sélection internes au sein de l’équipe nationale, ainsi que lors de la première étape de la Coupe du monde 2024, que notre équipage a finalement été confirmé par Swiss Olympic en avril 2024 comme le bateau officiel qui représenterait la Suisse à Paris.

Photo : Alexia Ferri
L’atmosphère aux Jeux était tout simplement magique. Ramer dans un cadre aussi iconique, entouré d’une foule en délire, était indescriptible. Chaque course était une bataille intense où chaque détail comptait, et l’intensité était à son comble. C’est le genre d’expérience qui vous marque à vie et qui donne encore plus envie de continuer à progresser.
Quatrième place tout de même ! Comment l’avez-vous vécu ? Frustration ou sentiment d’accomplissement ?
Les deux, honnêtement. Terminer à la 4e place aux Jeux Olympiques est à la fois une immense fierté et une déception. Nous avons tout donné et nous étions à seulement quelques secondes du podium.
D’un côté, c’est un accomplissement énorme : arriver à ce niveau représente l’aboutissement de milliers d’heures d’entraînement et de sacrifices. Mais d’un autre côté, finir juste au pied du podium laisse forcément un goût amer. Cette quatrième place, je la vois désormais comme une source de motivation : elle me pousse à travailler encore plus dur pour décrocher cette médaille qui me manque. C’est une étape sur mon chemin vers Los Angeles 2028.
En aviron, vous êtes plutôt solo ou duo ? Et pourquoi ?
Les deux me plaisent, mais j’ai toujours eu une préférence pour les deux de couples. L’aviron est un sport de synchronisation et de confiance. Être parfaitement coordonné avec son coéquipier est un défi qui me fascine. On se pousse mutuellement à donner le meilleur de nous-mêmes et c’est cette complicité qui rend la victoire encore plus forte.

Photo : Detlev Syeb
En skiff (solo), on est maître de son destin, ce qui a aussi son charme. C’est une épreuve ultra exigeante mentalement et physiquement, car il n’y a personne sur qui compter. Je pratique souvent le skiff à l’entraînement pour travailler mes points faibles et renforcer mon mental, mais en compétition, le duo reste ma discipline de prédilection.
C’est l’aviron qui vous a choisi ou c’est l’inverse ?
Je dirais que c’est l’aviron qui m’a choisi. Il a suffi que j’essaie une fois pour en tomber amoureux. Dès les premières séances sur l’eau, j’ai été conquis par la technicité du geste, la rigueur qu’il impose et l’harmonie que l’on ressent lorsqu’on glisse sur l’eau.
C’est un sport qui ne laisse aucune place à l’approximation : chaque coup de rame compte, et il faut sans cesse rechercher la perfection. Cette exigence constante et ce défi permanent m’ont tout de suite plu.
Même si c’est moi qui ai décidé de m’y investir à 100 %, j’ai toujours eu l’impression que l’aviron m’avait « appelé » par ses valeurs et tout ce qu’il représente : le travail acharné, la persévérance et le dépassement de soi. Une fois que l’on y goûte, il est difficile de s’en passer.
Votre plus beau souvenir de compétition (hormis les JO) c’est lequel ?
Difficile d’en choisir un seul, mais je dirais les Championnats d’Europe 2023, où nous avons décroché la médaille d’or. C’était une course intense, disputée jusqu’au dernier coup de rame. Entendre l’hymne suisse retentir sur le podium est un moment que je n’oublierai jamais.
Ce souvenir est particulièrement marquant car il a confirmé que nous avions le niveau pour rivaliser avec les meilleures nations du monde. Cette victoire symbolise tout le travail accompli en amont, et c’est une énorme source de motivation pour continuer à progresser.
Quelles sont les personnes qui vous influencent le plus dans cette discipline ?
Je n’ai pas de modèle unique, mais j’ai beaucoup d’admiration pour chaque athlète de haut niveau, car ils partagent tous des qualités essentielles : la détermination, la résilience et un mental d’acier. Cependant, ce qui m’inspire le plus, surtout dans un sport peu médiatisé comme l’aviron, ce sont les athlètes qui parviennent à équilibrer leur vie, à gérer leur carrière sportive tout en assumant des responsabilités familiales, financières et personnelles.

Photo : Detlev Syeb
Un exemple marquant pour moi est le double féminin néo-zélandais, champion olympique à Paris 2024. Ces deux rameuses sont devenues mamans en 2022, sont revenues à la compétition en 2023 et ont décroché leur qualification in extremis. Moins d’un an plus tard, elles remportent l’or olympique à Paris.
Casser les codes, repousser les limites et montrer que tout est possible, même lorsque les obstacles semblent insurmontables, c’est cela qui m’inspire le plus. La longévité dans le sport, malgré les défis, est quelque chose que je respecte profondément. Pour moi, ces parcours sont la preuve qu’avec du travail, de la passion et une organisation sans faille, il est possible de vivre sa passion sur le long terme.
Le titre de musique que vous écoutez avant une compétition ?
Cela dépend beaucoup du moment et de mon état d’esprit. Avant une grande course, j’aime écouter des morceaux motivants et énergiques, principalement de la musique électronique ou du hip-hop américain.
« End of Line » de Daft Punk est un de mes classiques : son rythme puissant me met tout de suite dans un état de concentration intense. « Nightcall » de Kavinsky est aussi une de mes préférées — et c’était une belle coïncidence d’entendre ce titre devenu iconique lors de la cérémonie de clôture des JO 2024, magnifiquement interprété par Angèle.
J’adore aussi Paul Kalkbrenner, avec des morceaux comme « Te Quiero » ou « Techno Monkey », qui me donnent une énergie incroyable. Et quand j’ai besoin d’un boost supplémentaire, je me tourne vers Kendrick Lamar ou Travis Scott, dont les morceaux me mettent dans le bon état d’esprit pour tout donner sur l’eau.
Texte : Stéfanie Rossier
Photos : Haut de page Jérôme Laurent