Interview de Yann Ducret, ancien footballeur d’élite et coach sportif spécifique physique et mental.

Suite de l’article : L’envers du décor

Gagner à tout prix quitte à mettre en danger la croissance, la santé et le mental des enfants, à qui cela profite-t-il ? 

Pour décrypter un peu mieux le phénomène, nous avons posé quelques questions à Yann Ducret (YD). Il nous livre son expertise :

PS : Lorsque tu étais sportif d’élite, as-tu vécu parfois ce sentiment d’injustice et comment gérais-tu la pression ?

YD : Oui, j’ai connu ça, mais à un certain niveau ; aujourd’hui, cela semble s’étendre aussi au sport amateur. Il faut avoir conscience que l’entraîneur n’est pas libre, il est tributaire d’autres décisions, il est engagé pour avoir des résultats. Le problème vient du fait qu’il existe des contradictions dans tous les objectifs demandés, entre ceux du coach, ceux du président, du directeur sportif, et cela génère parfois des tensions au sein des clubs. Après, il y a les egos de chacun dans le staff et les joueurs doivent apprendre à jongler avec. C’est quelque chose que j’ai vécu en tant que joueur et que je retrouve aujourd’hui en tant que coach.

Yann Ducret

Certains entraîneurs sont orientés formation, mais d’autres sont seulement ambitieux. Il n’y a que les résultats qui comptent alors, comme on dit, la fin justifie les moyens.

PS : En tant que coach sportif aujourd’hui, quel conseil donnerais-tu à un jeune qui a des capacités, mais qui ne trouve pas sa place ?

YD : Pour moi, le gamin doit pouvoir s’exprimer ! Dans la formation, les jeunes doivent pouvoir communiquer leur ressenti et être écoutés. C’est simple d’être performant quand tu es heureux, et de fait, c’est plus simple pour l’entraîneur aussi d’avoir des athlètes épanouis… Le sportif doit essayer de se mettre dans un environnement où il est en phase. Aussi, il ne faut pas hésiter à être mobile et à ne pas craindre de changer d’équipe ou de club.

PS : Trouves-tu qu’il y a une certaine forme de concurrence déloyale qui s’installe dans le sport amateur ?

 YD :Tout à fait. Tout le monde est dans le rêve, coachs , clubs et joueurs ; de nos jours, on n’accepte pas la réalité qui paraît souvent trop médiocre. Avec ce souci de toujours sortir du lot, d’être plus fort, on aspire à toujours plus. À notre époque, former des jeunes, c’est avoir des talents qui deviendront rentables au détriment des valeurs premières qui ne sont malheureusement plus considérées.

Pour revenir dans un sport plus sain, il faudrait que les coachs puissent restructurer la richesse de leurs contingents, utiliser la force et la compétence spécifique de chacun des individus. Il faudrait se détacher de ce culte de la performance. Je dis souvent à mes joueurs, il ne faut pas avoir peur de perdre pour gagner. Les clubs formateurs devraient réaliser qu’ils ne sont pas que dans une gestion sportive, il s’agit également d’une gestion humaine. Gérer des humains, on le sait, c’est compliqué, mais la force d’un bon entraîneur, c’est aussi de pouvoir se remettre en question.

PS : Quelle serait pour toi la limite entre sport-loisir et sport-élite ?

YD : Il faut enlever le terme de résultat ; si tu joues sans attentes et que tu te concentres sur la tâche à apprendre, tu es dans le loisir. Au niveau élite, tu te concentres uniquement sur les capacités où tu es super bon pour éviter l’erreur, car si tu loupes un petit truc, on t’attend au tournant. C’est très anxiogène ce terme « élite » que l’on met de plus en plus dans le monde amateur. Cette désignation ne devrait être employée que chez les pros.

 Cette recherche d’ultra-performance a gangrené le sport amateur ; ce besoin de reconnaissance à tout prix, de pouvoir, de starification, c’est un problème de société à tous les niveaux. Au fil des années, sans s’en rendre compte, on a perdu le sport-loisir, car désormais, tu n’es respecté que si tu as des résultats ou un titre. Du coup, cela oblige tout le monde à biaiser la réalité,à orchestrer de petits mensonges et à essayer de se placer sur une marche toujours plus haute. Je vois ce phénomène s’opérer déjà chez des très jeunes, c’est inquiétant.

Texte : Julia Delattre

Yann Ducret, Coach mental et physique

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