Hugo Thomas, malvoyant à 120 km/h 

Médaillé de bronze en ski paralympique aux Championnats du monde, Hugo Thomas a participé aux Jeux paralympiques de Sotchi. Aujourd’hui retiré de la compétition, il continue à dévaler la vie « tout schuss ».


C’est dans la véranda de sa maison de Chardonne, au-dessus de Vevey, qu’Hugo Thomas me reçoit en cette fin d’après-midi. Vue à 180 degrés sur le lac et les Alpes, de la Dent de Morcles au Jura. Une vue dont Hugo ne profite guère. 

Malvoyant depuis sa naissance, sa vision n’excède pas les 5%. Ce qui ne l’a pourtant pas empêché de mener une brillante carrière en ski paralympique, allant jusqu’à décrocher, en 2013, une médaille de bronze en super-G aux Championnats du monde à La Molina, en Espagne. Une médaille qui contribuera à sa sélection pour les Jeux paralympiques de Sotchi l’année suivante.

Il peut atteindre 120 km/h.

Du ski de fond au ski de piste sans soucis.

Né en 1982 à l’Aubersson, c’est sur des skis de fond, à l’âge de quatre ans, que le petit Hugo fait ses premiers pas dans le monde du ski. En 1990, il découvre le ski de piste dans le cadre scolaire. Puis, en 1995, son adhésion au GRSA (Groupement romand de skieurs aveugle et malvoyants) lui permet de se mettre au snowboard, qu’il pratique pendant 10 ans. L’envie lui vient alors de faire de la compétition. Malheureusement, le Snowboard ne fait pas partie des disciplines offertes aux malvoyants. Il revient donc au ski de piste et participe en 2007, avec son guide, à ses premiers championnats suisses, au col des Mosses. 

Un binôme qui s’affirme au haut niveau.

Car en compétition, un malvoyant ne skie pas seul. Il forme un binôme parfait avec son guide qui lui ouvre la piste. La vitesse en descente peut atteindre les 120 km/h et le temps concédé au leader de la Coupe du monde n’est que de 10 à 20 secondes à parcours égal. Il faut donc trouver la ou le guide compétant-e, disponible pour les nombreux entrainements, les déplacements sur le circuit de la coupe du monde, parfois jusqu’au Canada. Tout cela implique également un budget, environ 30’000.- par saison, et le soutien de sponsors.

le temps concédé au leader (valide) de la Coupe du monde n’est que de 10 à 20 secondes à parcours égal.

De la Coupe d’Europe aux JO de Sotchi. 

Mais Hugo, à force de travail, de ténacité et de volonté, obtient en 2012 ses premiers résultats encourageants en Coupe d’Europe. Une aventure qui le mène jusqu’aux JO de Sotchi en 2014 où il se classe 8e de la descente. 

Une descente qui lui laisse un goût amer puisqu’elle se termine par une grave chute dans l’aire d’arrivée. Tout s’effondre autour d’Hugo. Blessé aux ligaments croisés, il doit mettre un terme à sa saison et faire une croix sur le Super-G du lendemain, sa discipline de prédilection, qui était son objectif prioritaire. 

Un rêve qui prend fin en une fraction de seconde après quatre ans de préparation. Hugo se relève et entame une longue rééducation. Il remettra les skis pour la saison 2015-2016 mais devra quitter le circuit suite à la descente de Saint-Moritz faute d’avoir trouvé un guide fiable, mettant ainsi un terme à sa carrière en ski de compétition.

tout cela demande de la persévérance et des sacrifices.

Il  touche à plusieurs sports pour son plaisir.

Les skis raccrochés, Hugo ne reste pas inactif. Entre deux vols en parapente il pratique le Torball, le Cécifoot, la course à pied, le vtt, la natation. Il gagne aussi les championnats suisses de ski nautique paralympique. Et bien sûr, il skie dans le cadre du GRSA. Sans guide et sans chrono, juste pour son plaisir.

Masseur de Didier Cuche.

Mais le quotidien d’un skieur de compétition n’est pas toujours rose. Les entraînements qui 

s’enchaînent, en salle et sur les ski, la fatigue, les douleurs qui s’accumulent, les périodes de doute et de découragement, les « Qu’est-ce que je fous là ? », tout cela demande de la 

persévérance et des sacrifices. En 2011, Hugo met entre parenthèses sa carrière de masseur, renonce à ses hobbies, à ses amis pour se consacrer entièrement à la compétition, à la recherche  de sponsors et de guides compétents. Une bonne école de vie qui va lui apprendre le sens de l’organisation, lui parfois un peu dispersé et désordonné.

À maintenant plus de 40 ans, Hugo a retrouvé sa profession de masseur qu’il exerce dans un cabinet de Lausanne et à son domicile. Mais c’est avec plaisir et un peu de fierté qu’il me montre ses skis de compétition, aux lourdes fixations et une paire de ski offerte par Didier Cuche, dont il a été le masseur. Les souvenirs reviennent. Notamment cette descente guidée par Didier Cuche à la fin de laquelle, Hugo, ayant bénéficié d’une meilleure glisse et prit plus de vitesse que son maître, est venu percuter le skieur neuchâtelois par l’arrière.

Une grande complicité avec son guide.

Une vie entre conférences et tables rondes.

Aujourd’hui, Hugo s’implique dans le monde du handicap puisqu’il participe à des tables rondes visant à trouver des solutions pour rendre les médias plus accessibles aux aveugles et malvoyants, entre autres grâce à l’audiodescription et aux progrès de l’IA. Il aurait encore 

beaucoup de choses à nous dire, sur les JO de Sochi qu’il qualifie de catastrophe humaine et écologique ou sur le handisport dont l’esprit est en train de changer avec l’argent généré par sa  médiatisation. Mais la lumière baisse sur le Lac Léman. Hugo attend un patient, je le laisse à son prochain massage.

Texte : Gilles Scherlé

Photos : Archives de Hugo Thomas

Vous souhaitez devenir partenaire ?

Comment Nous Rejoindre ?

Si vous partagez notre passion pour le sport, notre engagement envers la jeunesse et nos valeurs, nous vous invitons à nous rejoindre. Vous pouvez devenir membre de notre association, bénévole, sponsor, ou simplement suivre nos activités et partager notre contenu sur les réseaux sociaux.

L’Association Planete-Sports est déterminée à faire une différence positive dans la vie des jeunes à travers le sport. Nous espérons que vous vous joindrez à nous dans cette aventure passionnante.