Dans la foulée de l’entretien avec Damien Revey, nous avons rencontré Patrice Morisod, ancien entraîneur à succès et consultant RTS, pour parler de la formation des skieurs en Valais et du parcours réalisé par le jeune anniviard.
Planete-Sports (PS): Damien Revey vient du Val d’Anniviers, du coup, tu as pu le suivre du coin de l’œil depuis ses débuts. Que penses-tu de son évolution et de son potentiel ? Aurais-tu des conseils à lui donner ?
Patrice Morisod (PM): Il a énormément de courage pour avoir fait ce qu’il a fait jusqu’à présent. Son frère Guillaume l’a certainement bien soutenu. Il a du mérite et il a du talent. Il faut qu’il y croie encore. Clairement, c’est un choix à faire comme pour beaucoup de jeunes de son âge, car il n’y a pas que le ski dans la vie, c’est ce que je leur dis toujours et les sacrifices sont vraiment énormes. A 21 ans, il est encore jeune pour le ski, il a donc du temps pour faire ses preuves. Pour rester au top et toujours progresser, cela passe par la motivation et le plaisir de tous les jours et c’est cela qu’il doit maintenir avant tout.
Grimentz-Zinal un panorama à couper le souffle
Photo: RMGZ
PS: L’objectif 2024 de Damien est de remporter des courses FIS pour entrer dans le cadre de Swiss Ski. En janvier, il réalise déjà 2 podiums sur des courses FIS, deux 3ème rangs, à Val d’Isère (F) puis à Montgenèvre (F). Il serait donc sur la bonne voie ?
PM: Damien est actuellement le 3e meilleur suisse de son année de naissance. Il est vraiment doué en slalom, il est régulier et il peut encore progresser. Son désavantage, c’est qu’il ne performe qu’en slalom et cela ne plaît pas à Swiss Ski. Ils veulent des skieurs polyvalents. Mais on a déjà vu des cadres qui ne pratiquaient qu’une discipline, en vitesse par exemple. Les bons points sont à aller chercher en fin de saison donc c’est maintenant qu’il doit continuer à travailler et ne rien lâcher.
PS: En Valais, le cursus sportif des skieurs est plutôt bien construit jusqu’à 16 ans. Tant au niveau des courses que de l’encadrement sportif ou scolaire. Ensuite, on perd pas mal de bons éléments. Que pourrait-on améliorer pour éviter ces pertes ?
Un domaine qui permet aux jeunes de faire leurs armes.
Photo: RMGZ
PM: En suisse, ce qui me dérange, c’est cet aspect financier. Avec 1 point de moins (NB : l’équivalent d’un dixième de seconde en course), Damien se situe dans les 200 meilleurs mondiaux. Dans d’autres pays, il serait aidé financièrement. C’est là qu’en Suisse, on perd pas mal de bons éléments. Après l’école obligatoire, les jeunes doivent entrer dans une formation professionnelle ou des hautes études, rarement compatible avec le sport d’élite. Ils doivent en plus assumer des frais énormes pour les cotisations, les entraînements, le matériel, les déplacements, les hôtels et abonnements. Une saison peut revenir à près de 20’000 francs. Pour tout cela, les familles ne sont pas suffisamment aidées. Une fois qu’ils entrent dans le cadre de Swiss Ski, cela devient plus gérable. Ils ne touchent pas de salaire, mais beaucoup de ces frais sont pris en charge. S’ils trouvent des sponsors, ils doivent reverser une partie à Swiss Ski. Les jeunes qui continuent sont principalement ceux qui trouvent du soutien dans leur entourage.
L’autre problématique est de faire attention à ne pas les sélectionner trop vite. On sait aujourd’hui que l’âge biologique ne correspond pas toujours à l’âge réel des jeunes en pleine croissance et malheureusement, les barèmes et les critères de sélection n’en tiennent pas toujours compte. Si on n’observe pas correctement, on risque donc de perdre des bons éléments sur le chemin.
Des conditions de neige parfaite pour la relève du ski Suisse.
Photo:RMGZ
PS: Le domaine de Grimentz-Zinal s’est spécialisé dans l’accueil des entraînements et des courses, peux-tu parler de cette évolution et de ses bienfaits ?
PM: Oui en effet, Zinal a toujours été très active et a même déjà organisé des coupes du Monde. Avec l’agrandissement du domaine Grimentz-Zinal, la qualité de la neige et les infrastructures hôtelières permettent d’exploiter le domaine environ 6 mois durant d’hiver. Nous organisons donc beaucoup de courses pour les jeunes, une trentaine cette saison dont plus de 20 courses internationales. Les équipes en place sont très dynamiques et nous pouvons également compter sur de nombreux bénévoles très motivés aussi.
Entretien: Iris Curdy